Usages de la chaux dans la maison ancienne
Quelle chaux choisir, pour quels usages dans la restauration d’une maison ancienne ?
L’usage de la chaux par les anciens
Les maisons anciennes racontent l’histoire d’un territoire et de ses ressources.
Elles ont été bâties avec des matériaux tirés du sol même où elles s’élèvent, disponibles à proximité et presque bruts de nature.
Notre territoire repose sur un vaste gisement de pierre calcaire, formé au fil des millénaires par la décomposition d’organismes marins et les apports d’argile issus de l’érosion des montagnes. Ce mariage de matières offre un matériau homogène, stable et d’une grande noblesse.
Autrefois, la chaux accompagnait chaque chantier. On l’utilisait pour les maçonneries, les mortiers et les enduits, mais aussi dans d’autres métiers — chez les tanneurs, les apothicaires — pour ses vertus purifiantes et assainissantes.
Jusqu’à la révolution industrielle, les fours à chaux, alimentés au bois, jalonnaient les campagnes. Chaque village, chaque canton, veillait sur le sien, véritable cœur battant du bâti local.
À sa sortie des fours à bois, la pierre calcaire devenait de la “chaux vive”. Par l’ajout d’eau, elle se transformait en “chaux éteinte”. On la désignait aussi sous le nom de “chaux grasse” ou, plus couramment aujourd’hui, de “chaux aérienne”. Comme cette chaux durcit au contact de l’air (par carbonatation), on la conserve immergée dans l’eau afin de stopper sa réaction chimique et de la garder utilisable.
Cycle de vie de la chaux
La chaux naît de la cuisson du calcaire à très haute température, autour de 1000 °C.
Ce processus, appelé calcination, libère le dioxyde de carbone (CO₂) contenu dans la pierre et donne une matière très réactive : la chaux vive.
Au contact de l’eau, cette chaux vive est éteinte, devenant plus stable et utilisable.
Lors de son application, elle réagit de nouveau avec le CO₂ de l’air : c’est la carbonatation.
Peu à peu, la chaux durcit et retrouve la solidité du calcaire d’origine.
Comprendre les dénominations des chaux
La norme NF EN 459, référence pour les chaux de construction
Pour encadrer l’usage de la chaux dans la construction, une norme européenne — la NF EN 459 — définit clairement les différentes familles de chaux et leurs propriétés.
Elle garantit ainsi la qualité, la pureté et la fiabilité des produits mis sur le marché.
Cette norme distingue notamment :
- les chaux aériennes (désignées CL), qui durcissent lentement au contact de l’air ;
- les chaux hydrauliques naturelles (NHL), qui font prise plus rapidement au contact de l’eau et conviennent aux maçonneries plus exposées ;
- les chaux hydrauliques formulées (HL), issues de mélanges industriels.
Autrement dit, la NF EN 459 permet d’identifier, pour chaque usage, la chaux la plus adaptée : celle qui respecte la nature du bâti ancien tout en offrant des performances spécifiquement maîtrisées. Grâce à ces distinctions, il devient plus simple de choisir la chaux la mieux adaptée à chaque usage, selon la nature du support et le type de travaux à réaliser.
Les chaux aériennes ou « CL », produites à partir d’un calcaire pur
- CL 90-Q → chaux aérienne calcique vive (oxyde de calcium)
- CL 90-S → chaux aérienne calcique éteinte (hydroxyde de calcium)
Les chaux argileuses ou « NHL »
- NHL 2 → résistance de 2 MPa, soit environ 20 à 40 kg/cm²
- NHL 3,5 → résistance de 3,5 MPa, soit environ 35 à 100 kg/cm²
- NHL 5 → résistance de 5 MPa, soit environ 50 à 150 kg/cm²
- une NHL 2 convient aux enduits et aux maçonneries anciennes peu exposées, notamment sur support tendre tel que le pisé, par exemple.
- une NHL 3,5 est adaptée aux joints et aux élévations en pierre
- une NHL 5 s’emploie pour les scellements ou les zones soumises à l’humidité
Les chaux « bâtardes » ou « HL » et « FL »
- la mention HL 2 indique une chaux hydraulique formulée de résistance équivalente à une NHL 2, mais dont la composition précise n’est pas strictement définie (le taux de ciment varie selon le fabricant) ;
- la désignation FL A 3,5 correspond à une chaux formulée contenant majoritairement de la chaux hydraulique naturelle, mais aussi une part de liants hydrauliques artificiels (comme le ciment), pour atteindre une résistance de 3,5 MPa.
Le bâti en pisé, un équilibre à préserver grâce à l'usage de chaux appropriée
Les murs en pisé « respirent » et régulent naturellement l’humidité.
L’usage de la chaux, adaptée à leur nature, permet de les protéger sans altérer leur équilibre d’origine.
À chaque chaux son usage
Connue depuis des siècles, la chaux naturelle accompagne l’histoire du bâti, des demeures vernaculaires aux édifices les plus remarquables.
Si elle reste indissociable de la restauration du patrimoine, elle joue aujourd’hui un rôle tout aussi essentiel dans la réhabilitation du bâti ancien, où elle contribue à préserver l’équilibre des murs et le confort intérieur.
Mais toutes les chaux ne se valent pas : chacune possède ses propriétés, sa souplesse, sa résistance et son usage propre.
Apprendre à distinguer les chaux et leur usage, c’est garantir une intervention appropriée pour un objectif sur le bâti préalablement défini.
Caractéristiques des chaux aériennes (CL)
Les chaux aériennes : un liant souple et respirant
Les chaux aériennes calciques se distinguent par leur souplesse et leur perméabilité à la vapeur d’eau, supérieures à celles des chaux hydrauliques.
Elles durcissent lentement à l’air libre, en fixant le gaz carbonique (environ 1 cm d’épaisseur par an).
Pour accélérer la prise, on peut y ajouter une petite quantité de pouzzolane ou de chaux hydraulique.
Ces chaux, une fois éteintes, se conservent longtemps dans un récipient étanche rempli d’eau.
Usages et précautions d’emploi de la chaux aérienne
Naturellement lumineuses et dotées d’une blancheur élevée, les chaux aériennes sont idéales pour les finitions d’enduits intérieurs, les badigeons, stucs, peintures, ou encore les enduits fins extérieurs.
Dans certains cas, il peut être utile de les couper avec une chaux hydraulique NHL 3,5, notamment pour les sous-couches ou corps d’enduits.
Elles peuvent aussi être mélangées à :
- du plâtre, pour renforcer l’accroche et accélérer la prise ;
- de la terre, pour teinter la matière et accroître la porosité et la souplesse ;
- ou encore de la pouzzolane, qui en améliore la dureté.
La chaux aérienne doit cependant être évitée sur des supports humides, trop durs ou fortement exposés aux intempéries.
Elle convient particulièrement aux travaux de rejointoiement et aux supports en pisé ou en pierre tendre.
Avant application, il est recommandé de la préparer un ou deux jours à l’avance et de la laisser reposer dans l’eau.
Rappelons que les enduits doivent toujours rester moins résistants que leur support, afin de préserver l’équilibre du bâti.
Caractéristiques des chaux hydrauliques (NHL)
Les chaux hydrauliques naturelles font prise au contact de l’eau.
Plus rapides à durcir que les chaux aériennes, elles continuent néanmoins à gagner en résistance sur plusieurs mois.
Elles sont privilégiées pour les travaux de maçonnerie :
- NHL 2 pour les supports tendres ou humides (pisé, pierre tendre),
- NHL 3,5 pour les gobetis moyennement fermes et les maçonneries courantes,
- NHL 5 pour les scellements localisés ou les pierres dures (granit du Morvan, calcaire froid).
Attention, la NHL 5 est à éviter dans la restauration d’enduits de façade, car trop rigide pour accompagner les micro-mouvements naturels des maçonneries anciennes.
💡 Ce qu’il faut retenir sur l’usage des chaux
Choisir la bonne chaux, c’est trouver l’équilibre entre souplesse, résistance et compatibilité avec le support.
Chaque type de chaux naturelle possède ses qualités propres : la chaux aérienne pour la finesse et la respiration, la chaux hydraulique pour la résistance et la cohésion.
Un diagnostic précis pour une réhabilitation réussie
Nous analysons la structure, les matériaux et l’état de santé de votre maison ancienne pour définir les solutions de restauration ou de réhabilitation à la chaux les plus adaptées.
Une approche sur mesure, fondée sur l’observation et la connaissance du bâti ancien.
Notre approche de la chaux
Une matière vivante, au service d’un savoir-faire
Nous encourageons les entreprises à composer leurs propres mélanges à base de chaux. Ce geste artisanal valorise l’expertise et la créativité des maçons.
Peu transformée, la chaux naturelle s’inscrit dans une démarche patrimoniale et locale. Elle favorise la transmission des savoirs du bâti ancien où l’expérience et l’observation guident la main.
Ce savoir-faire, empirique et évolutif, permet d’adapter les techniques traditionnelles aux enjeux contemporain de la restauration et d’en transmettre la culture.
La chaux, valeur esthétique intemporelle
La chaux naturelle est l’un des matériaux majeur du bâti ancien. Elle entre dans la composition des maçonneries, des façades et des enduits de correction thermique.
En extérieur, les enduits fins chaux-sable restituent la douceur de la patine du temps. Leur teinte claire illumine les murs et révèle le caractère des pierres.
Dans le cas de la restauration d’enduit extérieur
En piquant les enduits anciens extérieurs, lorsqu’ils ne sont pas affectés par des remontées de sels, on peut recycler leurs sables et matières. Ensuite, ces matériaux servent à composer un nouveau mélange dont l’aspect se rapproche harmonieusement de l’enduit initial.
La chaux en intérieur : lumière et équilibre
En intérieur, les enduits chaux-chanvre créent des ambiances calmes et respirantes. Leur surface douce diffuse la lumière sans éclat, donnant aux volumes une ambiance acoustique feutrée.
Adaptés aussi bien aux maisons anciennes qu’aux intérieurs contemporains, ces enduits offrent une continuité esthétique intemporelle et naturelle.
Une finition lissée permet même de les intégrer harmonieusement dans un cadre urbain.
Valoriser l’équilibre hygrométrique et thermique du bâti
Réhabiliter une maison ancienne, permet de restaurer son équilibre hygrométrique. Nous veillons à restaurer les caractéristiques hygroscopiques des supports d’origine,
afin de tirer parti de leurs qualités naturelles de régulation.
Les chaux, ouvertes à la vapeur d’eau, favorisent un confort thermique sain et durable, tout en respectant la physique du mur.
La chaux comme correcteur thermique vertical
Pour la réalisation des enduits chaux-chanvre, nous associons parfois une chaux hydraulique naturelle NHL 3,5 à une chaux aérienne CL 90.
Ce mélange allie souplesse, résistance et performance thermique, grâce aux microcavités d’air qui se forment entre les fibres végétales liées par la chaux.
Les chaux naturelles, sont bactéricides et fongicides. Elles résistent à l’humidité et aux micro-organismes.
Leur plasticité épouse les formes vivantes des murs anciens. Elles offrent des surfaces douces où la lumière circule avec naturel.
La chaux comme rupteur thermique horizontal
Le plancher bas influence fortement le confort thermique d’une maison. Une dalle béton est fortement conductrice. Revêtue de revêtements minéraux, elle vous exposera au froid. Revêtue de parquet, le risque de déformation est réel… La chaux offre d’intéressante alternative thermique propre à assurer un excellent confort.
Notre Atelier prescrit souvent des dalles de chaux Laterlite® (billes d’argiles expansées) posées sur un lit de Misapor® (granulats de verre expansé).
Elles sont réalisées à base de chaux hydraulique naturelle NHL 5, garantissant une rupture thermique et capillaire efficace.
Ce système conserve les qualités hygroscopiques du bâti ancien, tout en améliorant le ressenti thermique de l’habitation.
« Philosophie » de la chaux naturelle (CL ou NHL)
La chaux n’est pas seulement un matériau.
C’est une manière d’habiter la matière, d’écouter les murs,
et de prolonger l’histoire des lieux avec respect et justesse.
La chaux naturelle s’inscrit dans une démarche industrielle réduite.
Celle-ci génère des hommes détenteurs de culture et dont le savoir évolue, parfois de façon empirique.
